(#) Sujet: coeur morcelé. (midge) Mer 2 Oct - 18:14
Des cris se mêlèrent aux multiples tintements métalliques d'une batte de baseball sur de vulgaires carcasses ferriques. La cacophonie persécutait son sommeil ainsi que ses tympans, l'obligeant à ouvrir doucement les yeux. Il les referma aussitôt sous la lumière aveuglante qui jaillit par la fenêtre de la pièce. Il lâcha un grognement insatisfait et plissa ses prunelles se dilatant sous l’éclat du jour. Il compta quelques secondes avant de s’habituer à cette nouvelle clarté. Les couvertures rejoignirent l’autre bout du matelas posé sur le sol, alors qu’il se leva en baillant négligemment. Il pénétra dans le salon d’un pas las pour s’apercevoir que sa meilleure amie et son petit frère dormaient paisiblement malgré le vacarme régnant dans la rue. Juniel fit chauffer de l’eau et apprêta sa machine usée par la rouille pour se faire un café chaud. Il resta dubitatif devant le feu qui chauffait dans un poêlon. Sa condition ne lui permettait pas de posséder quelques délicieux mets comme de fines brioches sucrées ou une carafe pleine de ce liquide noir qu’il allait ingurgiter pour se réveiller. Il était pauvre. Il travaillait d’arrache-pied pour améliorer et payer ce petit appartement miteux qui possédait seulement trois pièces. Il avait sans doute tous les défauts du monde. L’humidité et la pourriture envahissaient chaque mur. Il n’avait qu’un ballon d’eau chaude lui permettant de se doucher lorsque ses colocataires ne le vidaient pas entièrement. Seuls quelques meubles de fortune aménageaient cet espace restreint. Des insectes grouillaient dans tous les recoins de l’habitat et rongeaient les vieilles tables en bois. Son espace vital se résumait malheureusement à ces quelques détails grotesques. Il fixa l’eau bouillir durant plusieurs longues secondes avant d’éteindre le gaz et de verser le contenu dans la cafetière. Il prit ensuite sa tasse en main et se réchauffa en buvant quelques gorgées de ce mélange infect. Il déposa sa tasse sur le plan de travail et s’enferma dans la salle de bain pour prendre sa douche. L’eau tiède se mit à courir sur sa peau et s’ancra dans chacun de ses pores. Il passa ses mains dans ses cheveux en les frottant énergiquement jusqu’à ce qu’un flot glacial se déversa sur lui. Son corps se contracta pour lui donner la chair de poule. Il jura grossièrement et coupa la valve en quittant les lieux. Se remettant du choc thermique, il enfila un vieux pull ainsi qu’un pantalon et une paire de chaussures en toile qui ne ferait plus long feu à la vue des marques d’usure. Juni revînt dans la pièce principale. L’appartement était désert. Il voulut reprendre le récipient contenant ce liquide âcre qu’il avait préparé, mais il était vide lui aussi. Il pesta audacieusement et se rendit dans un bel immeuble de Los-Angeles où du travail l’attendait.
De belles maisons aux briques rouges amoncelées s’érigeaient devant lui. Quelques stucs impressionnants ornaient les façades de ces architectures, devant lesquelles il passait chaque matin. Il ne pouvait s’empêcher d’admirer ces créations aux goûts exquis. Les bourgeois pouvaient certainement se vanter d’habiter dans de tels œuvres d’art et il les jalousait pour cette raison. Mais le regard de certains passants le poussa à accélérer le rythme de sa marche. Il arriva devant un grand immeuble. Il contenait de nombreux lofts et appartements aménagés pour recevoir un confort certain. Juniel n’avait pas le temps de se poser des questions. Il baissait la tête et montait les escaliers en emportant un coffre à outils avec lui pour réparer tout ce qui devait l’être. Il monta sans s’arrêter et toqua plusieurs fois à la porte d’un des multiples colocataires résidant en cette place. Qu’allait-il donc devoir faire ? Repeindre une pièce ? Réparer la plomberie ou rafistoler de vieux meubles ? La routine indélicate de ce métier le détruisait. Il n’était doué que pour ce genre de travail ingrat et sa couleur de peau n’arrangeait rien à sa situation. Les regards hautains des personnes, pour qui il travaillait, lui donnait envie de tout détruire sur son passage. Mais il ne pouvait pas prendre le risque de perdre l’argent qu’ils lui donnaient pour ses services. Alors il se taisait et attendait que le temps passe pour retourner dans son taudis. Il s’y sentait mieux, bien mieux.
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